L'INTERVIEW DE JAMEL

 

Avec ton film Le ciel les oiseaux et … ta mère ! , tu vas être encore plus connu. Quand as-tu décidé qu'être star était un bon job ?

Je sais pas. En CM1, on avait fait un spectacle et déjà c'était moi qui dirigeais les copains. Mais encore aujourd'hui, je ne considère pas que c'est un métier. Je ne sais pas encore ce que je ferais quand je serais grand.

Tes parents n'ont jamais essayé de te détourner du spectacle ?

Mon père oui. Il me disait que c'était un boulot pour les drogués et les pédés. Lui, il voulait que je sois ingénieur en astrologie interne, que je me fasse 7000 balles par mois, et que je travaille près d'un chauffage dans un bureau. C'était tout ce qui lui importait. En revanche, ma mère était prête à faire un crédit sur sept ans pour m'acheter un micro cravate. Elle m'a toujours dit : " Fais ce que tu as envie de faire. "

A l'école, t'étais un embrouilleur ?

Je me suis arrêté après un BEP "vente action marchande ". Comme j'avais la tchatche, ils voulaient tous me voir vendeur. Moi, je savais que c'était pas mon truc. Du coup j'ai arrêté et j'ai vendu de la drogue boulevard Sébastopol. Parallèle ment, on faisait travailler sept filles boulevard Beaumarchais. Et puis au bout d'un moment, avec mon frère Momo, on s'est dit qu'on allait se lancer dans le showbiz. On a découvert deux artistes qui ont pas trop mal marché : Ophélie Winter et Khaled. Facile ! Et puis on s'est dit, si Camille Saféri peut faire rire alors tout le monde peut faire rire. Du coup, on s'est lancé. Il paraît que faire rire une fille est le meilleur moyen de l'emballer.

T'utilisais déjà ça étant plus jeune ?

Comme physiquement je suis moche, j'te jure, comme physiquement je suis pas très beau… Allez arrête… Bon d'accord, disons que comme physiquement j'étais pas extrêmement beau, ma seule arme était…un petit canif. Et mon humour… Et ça fonctionnait pas trop mal, pas super bien mais pas trop mal. Et figure-toi qu'aujourd'hui je n'ai besoin ni de canif, ni d'humour, ni de rien du tout. Ca marche tout seul. Je dis : " Bonjour, ça va bien ? ", elles me disent : 'Oui…oui, ça va, on peut dormir ensemble ? "

Et ça te fait quel effet ?

C 'est mortel mais c'est super auch, parce que tout est faussé autour de moi. C'est pour ça que je m'entoure de mecs solides qui bougeront jamais. Mon frère, des mecs du showbiz avec qui j'ai commencé comme Eric et Ramzy, Nicolas Anelka, le footballeur… C'est un ami d'enfance et j'ai super confiance en lui. Dans le showbiz, j'ai énormément de copains mais pas de vrais amis.

Dans Le ciel les oiseaux et…ta mère ! , tu gagnes un séjour à Biarritz, mais toi, quel est ton meilleur souvenir de vacances ?

C'était l'été dernier avec un pote au Venezuela. On s'est retrouvé allongés sur un matelas gonflable, sur une eau turquoise en train de se demander un truc très con : quelle pouvait être la superficie exacte de la poitrine de la gonzesse qui était en face de nous.

Comme Youssef dans le film, tu viens de la banlieue. Comment la vois-tu aujourd'hui ?

La banlieue je ne sais pas ce que c'est. Le mot banlieue, il existe pour ceux qui habite de l'autre côté du périph'. Moi, Trappes, c'est pas la banlieue, c'est chez moi. Aujourd'hui, j'ai les moyens d'habiter n'importe où, même à Neuilly si je veux, mais j'ai pas envie. J'ai vécu les meilleures années de ma vie là-bas. Mes parents devaient gagner 8000balles à eux deux mais, et c'est pas pour faire Cosette, je n'ai jamais manqué de rien…

Le ciel les oiseaux et…ta mère ! aborde la xénophobie. Le Pen traitant Mégret de raciste, ça t'inspire quoi ?

C'est de la bombe, c'est bien, c'est bien, c'est bien. Dans un premier temps, je trouve qu'il a raison et c'est bien la première fois ! De toute façon, tu vas peut-être me trouver fou, mais je pense qu'il faut se débarrasser de Le Pen à coups de petits piquants dans les yeux. Tu sais, j'ai jamais eu besoin de faire attention aux pourcentages: le racisme, je l'ai toujours vécu. Aujourd'hui je commence à avoir une notoriété, y'a plus de racisme autour de moi, c'est fini. Maintenant ce sont mes copains qui me racontent ce qu'ils subissent. Je vis ça super bizarrement. A mon avis, le racisme a toujours été là et il ne diminuera jamais.

Quelle est la meilleure façon de lutter à ton avis ?

C'est, putain, faire comprendre à nos cousins et à nos refrè qu'ils ont le droit de vote. Moi-même je n'en ai pris conscience que l'année dernière. On se dit qu'avec son petit bulletin on va pas changer la face du monde. Au contraire, si.

Ton premier vrai coup de cœur a-t-il été aussi compliqué que dans le film ?

Oui, oui, oui. Quand j'y pense, je me dis : " salope, putain de salope ! ". J'étais en CM1, elle s'appelait Virginie et elle ne m'aimait pas. Elle préférait Jean-Baptiste, le 2ème de la classe. Moi je volais de l'argent à mon père pour lui acheter des sucettes. Elle m'a brisé le cœur le jour où elle m'a dit : "Toi tu seras toujours mon meilleur copain. " " Putain la pute ", j'me suis dit. (il se marre). J'te jure c'est pire que tout […]

Tu seras sur scène au mois de février prochain pour un nouveau one man show…

Il y a un spectacle que j'ai vu qui m'a troué le cul. C'était "delirious " d'Eddy Murphy. Il arrive, les mains dans les poches, il dit : " Bonjour ça va bien " et il commence à raconter sa vie, debout, sans s'arrêter. A la fin, il dit : " Au revoir merci ". C'est trop classe ! J'aimerai bien arriver à ça. Raconter tout ce qui m'est arrivé ces trois dernières années : faire de la radio, de la télé, me taper Ophélie Winter…Si on m'avait dit ça il y a cinq ans, je ne l'aurai jamais cru.

(Interview recueillie par le magazine XL)

 

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